Aide internationale privatisée: lAngleterre en première ligne
Aide internationale privatisée: lAngleterre en première ligne
Le gouvernement britannique a du sang sur les mains. Son Département pour le développement international (DFID) aussi, comme cela a été mis en évidence Forum Social Européen à Londres. Il promeut en effet la privatisation de leau dans les pays en voie de développement, par des moyens jugés illégaux en Angleterre, reconnus comme causes de désastres de santé publique et de sérieuses vagues de maladies entraînant de nombreux décès.
Georges Monbiot, militant et journaliste, a enquêté sur la collaboration du DFID dans la privatisation partielle de leau à Piri, une région désespérément pauvre de Soweto, municipalité noire de Johannesburg. L«aide» fournie en matière deau y est liée à des contrats avec des compagnies privées, dans ce cas Northumbrian (GB) et le géant français Suez, en collaboration avec le Conseil municipal de Johannesburg. Celui-ci était confronté à une colère grandissante des résident-e-s de Puri qui se faisaient déconnecter puis expulser nayant pas pu régler leur facture deau. Pour «résoudre» ce problème, le Conseil a installé des compteurs à eau pré-payés. Les avantages de ces compteurs sont énormes pour les entreprises privées du secteur. Premièrement, si vous êtes dans le lucratif commerce consistant à «répondre» à un besoin humain vital, vous possédez un «marché» hautement motivé et captif. Deuxièmement, si vos «clients», accablés par la pauvreté, ne peuvent payer, il ny a pas à se soucier des «tracas administratifs» long et coûteux liés à leur déconnexion et à leur expulsion. Les compteurs à eau pré-payés sont sans visage, implacables et durs en affaires. Ils ont été bannis dAngleterre car prétéritant fortement les pauvres! Leur récente installation à Kwazulu déboucha rapidement sur une éruption de choléra, qui a terrassé 200 personnes, la population désespérée commençant à puiser leau de rigoles.
Cette histoire sud-africaine fait partie dun projet plus large dinfâmes «partenariats publiques privés» (PPPs). Comme la montré la présentation de Monbiot, la Grande-Bretagne joue un rôle de pointe dans ce sens. Les PPPs émergèrent avec l«Initiative Finance Privée», lancée par le gouvernement britannique en 1996 quand Kenneth Clarke, son ministre du commerce, visita lAfrique du Sud avec une équipe dhommes daffaires pour offrir de lassistance au processus de privatisation de leau afin «de participer à lavenir lumineux de lAfrique du Sud». Nous navons pas oublié que lAngleterre a également généreusement participé à son passé lumineux et parsemé de diamants!!
A nous les profits…
Ce voyage daffaires réussi a produit des «collaborations» extraordinairement profitables avec toutes sortes dinstitutions de service public, dont la privatisation a des conséquences directes désastreuses sur les plus démunis. Ceux-ci souffrent et meurent pour la noble cause du profit des multinationales britanniques, avec la bénédiction officielle du gouvernement britannique au nom de l«aide au développement»! II y a peu de meilleurs exemples du circuit fermé du pouvoir opérant entre commerce et gouvernement avec exclusion totale du peuple. Si on le lui demandait, le contribuable anglais napprouverait sûrement pas cette utilisation de fonds publics alloués à laide internationale, pas plus quil napprouverait les 100000 morts en Irak depuis 2003
Partenariats publiques/publiques?
Et les faits concernant les services publics se font rares à lâge de la désinformation. Services Publics International (www.world-psi.org) mène une campagne pour propager ces faits, établis depuis des décennies. Aucune étude sérieuse sur la fourniture privée de services «publics» na démontré de gains en efficacité. Au contraire, cette voie mène invariablement à des hausses massives des prix et à un accès inéquitable, sans parler de la piètre qualité et même des services dangereux. La campagne de PSI insiste sur des Services Publics de Qualité et propose des PPP signifiant ici des partenariats public/public se référant à la potentielle collaboration fructueuse en termes déchanges de compétences et dexpérience entre institutions de service public, au niveau national et international.
Laide internationale in-réformable?
Le rapport de War on Want est de la plus grande importance et cette ONG est lune des rares à être restée fidèle à ses principes. Toutefois, les conclusions de sa propre enquête démontrent les faiblesses fondamentales de laide internationale, profondément antidémocratiques et exploitrices. Comme le dit bien Sogge1: «Laide internationale nest pas conçue pour changer la structure et les dynamiques des relations Nord Sud. Au contraire, elle est complètement intégrée dans larchitecture financière internationale en termes de buts et de valeurs. La recherche de la liberté du capital (plutôt que des personnes) par les élites dirigeantes des USA et de lOccident banquiers, managers de fonds, magnats des médias, capitaines dindustrie, dirigeants politiques et chefs militaires a intégré laide internationale dans champ daction.»
Laide internationale offerte aujourdhui par la Grande-Bretagne ne peut que paupériser les pauvres et enrichir les riches. Cest peut-être là son intention. Mais dans ce cas, ne perdons pas de temps à la réformer, luttons plutôt pour un nouvel ordre économique international.
Rosamund RUSSEL
- Sogge D. Give and Take: Whats the Matter with Foreign Aid?, Zed Books, Londres, 2002.